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Les radios l'avaient annoncé très tard dans la soirée La terre avait pourtant beaucoup tremblé ces derniers temps Mais personne n'osait exprimer sa frayeur Tout le monde avait peur d'avoir peur Mais ce soir les radios diffusaient la nouvelle Le monde périrait dans quelques heures à peine
PANIQUE !
Le Monde a peur Peur, peur Il va mourir ce soir Le Monde court Se bouscule S'agite Le Monde vit Enfin Il ne lui reste Que quelques heuresQue faire ? Il n'y a plus rien Rien à faire Le Monde quitte son travail Le Monde rentre chez soi Mais pour quoi faire ? Il n'y a plus rien non plus A faire Chez soi
Le Monde est égal A lui-même Enfin ! C'est à dire A rien
Empereurs, Rois Présidents, Ministres Préfets, Magistrats PDG, Banquiers Commerçants, Ouvriers Militaires, Flics Terroristes, Patriotes Riches, Miséreux Vieux, Jeunes De gauche, De droite Du centre, De rien Amis, Ennemis Vous n'êtes plus rien De tout cela Vous n'êtes plus Qu'un Monde qui a peur Peur, peurQue faire ? Il n'y a rien Rien à faire Le Monde se tait Soudain Pour écouter La Terre Qui tremble Sous ses pieds Et le Monde Soudain Reconnaît dans ces bruits Les cris de tous ceux-là Qu'il n'avait pas compris Angoisse Malheur Humiliation Répression IdentitéEt le Monde comprend Et il baisse les yeux Et le Monde a honte Enfin Mais trop tard Et à nouveau Le Monde crie Le Monde pleure Le Monde a peur Peur, peurQue faire ? Il n'y a plus rien Rien à faire Le Monde prie Le Monde confesse Et les églises s'affaissent AmenQue faire ? Il n'y a rien Rien à faire La fille s'est arrêtée Sur le trottoir d'en face Que cherches-tu ? Elle m'a vu De l'autre côté de la rue Il n'y avait aucun effroi sur son visage Plutôt une expression d'indifférence Peut-être même un vague air de bonheur
J'ai traversé la rue Dont le bitume commençait à se fissurer Par endroits Je lui ai dit : "Viens, nous n'avons pas beaucoup de temps." Elle m'a suivi en silence le long des rues
A la sortie de la ville Nous nous sommes arrêtés Jusqu'au panneau indicateur La route était crevassée Il fallait faire très attention Pour ne pas tomber dans les trous Mais après On aurait dit Que la fureur de la Terre S'était arrêtée là Les champs avaient toujours le même aspect De VIE
La fille a regardé le sol Le bitume commençait à craquer au-delà du panneau Elle m'a pris la main "Vite !"
Je me suis retourné Il ne restait rien de la ville
Nous avons couru côte à côte Sur la route encore intacte
Le ciel avait pris une couleur pas ordinaire Un bleu pur Sans nuage Bizarre ! Ou peut-être était-ce là Sa vraie couleur De toutes façons Ca n'avait plus d'importance
La fille m'a mené Au hasard Jusqu'à un endroit Que je n'avais jamais remarqué En passant sur la route
Elle s'est allongée Et je l'ai imitée
Au-dessus de nos têtes Coulait un mince filet d'eau Nous avons bu longuement
L'eau avait un drôle de goût On aurait dit De l'eau de vie Etrange ! Mais peut-être était-ce là Son goût normal De toutes façons Ca n'avait plus aucune importance
La fille s'est assise lentement Elle a tourné la tête vers moi Elle souriait sans qu'aucun trait de son visage ne bouge Bizarre ! Mais peut-être était-ce là La vraie façon de sourire
Elle est restée ainsi un long moment Puis elle m'a dit sans ouvrir les lèvres : "Viens, nous n'avons plus beaucoup de temps." |
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